Soufflons sur les braises de la censure administrative

À plusieurs reprises, j’ai écrit ici-même au sujet de la censure de sites web en France, qu’elle soit administrative ou judiciaire. Aujourd’hui, je vais vous parler d’un cas que je considère assez grave, et d’un effet pervers de ce pouvoir de censure administrative.

Une censure discrète

La liste des sites bloqués administrativement est officiellement secrète. Une personne travaillant chez un fournisseur d’accès à Internet censé mettre en œuvre la censure qui rendrait cette liste publique s’exposerait à de lourdes peines. À ce jour, aucune fuite n’a eu lieu et la liste est toujours secrète.

On se focalise souvent sur la mise à l’index et de quels sites pourraient se retrouver ou non dans la liste. Le cas qui m’intéresse plus particulièrement est celui de sites « provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ». La qualification est extrêmement floue, beaucoup trop pour être laissée seulement à l’appréciation d’un officier de police et non à un juge. Il existe de nombreuses définitions du terrorisme, variant au gré du contexte politique, de la zone géographique et de l’époque. Terrorisme un jour, résistance le lendemain. Arafat, Mandela en sont deux exemples. Mais passons, ça n’est pas l’objet de ce billet.

Effet pervers

Un effet pervers dont je n’avais pas pris conscience avant aujourd’hui est celui de la menace. Comme je le disais, on se focalise souvent sur la liste et son contenu. Mais quid des sites qui se sont vus menacés d’être mis à l’index à moins de supprimer un article considéré comme provoquant à des actes blabla ou en faisant l’apologie ?

Et bien, c’est exactement ce qui vient de se produire avec Indymedia Grenoble : https://grenoble.indymedia.org/2017-09-22-Communique-apres-Indymedia Suite à la publication d’une revendication d’un incendie ravageant un hangar de la gendarmerie, les administrateurs du site ont vu l’OCLCTIC (l’office en charge de dresser la liste des sites à censurer) les sommer d’en retirer le contenu.

Les administrateurs s’y sont pliés. Le contenu n’est plus en ligne chez eux. La censure a fonctionné, sans même que le site ne soit mis à l’index.

Quand bien même nous pourrions accéder au contenu de la liste, en vérifier le contenu, qu’est ce que cela nous dirait sur l’étendue de la censure ? Bien peu de choses. Pour 100 sites dans la liste, combien n’y sont pas et ont subi les mêmes pressions qu’Indymedia Grenoble ? Pour 100 sites dans la liste noire, combien subissent la censure de manière encore plus invisible ?

La blague

Pour finir, la véritable blague de ce cas particulier est que le texte dont la publication est reprochée à Indymedia Grenoble a également été publié sur le site du quotidien régional Le Dauphine Libéré.

À l’heure où j’écris cet article, et à ma connaissance, l’OCLCTIC n’a pas demandé au Dauphiné Libéré de supprimer le texte de revendication. Le Dauphiné Libéré n’a pas été menacé de faire l’apologie du terrorisme.

Fin de la blague

Soutien aux médias libres

Pourquoi je publie cet article ?

  • Parce que la censure administrative me met en rage.
  • Parce qu’on n’en perçoit que trop peu les effets.
  • Parce qu’on a besoin de médias libres.
  • Parce qu’ils ont besoin de notre soutien.

Solidairement, taziden

Soutien aux medias libres

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